jeudi 14 juillet 2011

Festival du Premier Roman de Chambéry (4)

Lors de la rencontre avec Judith Perrignon, il y avait également deux autres journalistes qui viennent de publier leur premier roman : Isabelle Monnin et Mohammed Aïssaoui. Ce billet va concerner Isabelle Monnin pour son roman Les vies extraordinaires d'Eugène.

Isabelle Monnin est journaliste au Nouvel Observateur.


Né prématurément le 17 novembre 2007, le petit Eugène décède 6 jours plus tard, le 23 novembre 2007, d’une infection. Un staphylocoque doré attrapé au service de réanimation aura raison du petit être déjà affaibli. Ses parents n’auront jamais pu entendre sa voix. Le roman débute à J+26, soit 26 jours après le « tsunami » qui a ravagé la vie des parents d’Eugène, et s’achève à J+365. Face au drame, chacun réagit de manière différente. Parce qu’il n’y a plus rien à dire, la maman se terre dans un mutisme par l’intermédiaire duquel elle peut crier sa souffrance. « Depuis, c’est comme si elle avait laissé le son de sa voix dans le berceau du petit. » Elle passe ses journées à coudre des pantalons rouges censés être portés par Eugène à chaque âge de sa vie.

Le papa, lui, voudrait parler d’Eugène. Mais à qui parler d’un petit être qui a à peine vécu, que personne n’a vu, n’a connu, pas même ses grands-parents ? Il faut pourtant. Parler ou écrire sur Eugène, c’est tout comme. « Si plus personne n’en parle, Eugène ne sera plus. Il faut que je le remplisse de mots […]. Si je le raconte, je (re)donnerai vie à mon fils, et parole à sa mère. »

Dès lors, le papa d’Eugène, historien de formation, entreprend de raconter son fils. « L’histoire de notre fils.doc » commence par le récit de sa courte existence à l’hôpital de Montreuil et tient en 3527 caractères. « Ce n’est pas avec ça que je comblerai le vide. » Il faut donc aller plus loin, fouiller dans cette courte existence, rencontrer cette infirmière qui a connu Eugène, s’est occupé de lui, lui poser des questions, qu’elle dise qui était Eugène, ce qu’il aimait. Il faut parler de la vie qu’il aurait vécue et, à l’aide de statistiques, dresser un portrait du « petit français moyen » qu’il aurait pu être. Il faut enquêter, se rendre à la crèche pour connaître ses futures connaissances. Imaginer ses « vies extraordinaires ». Mais après, que restera-t-il ? « Qui, après ma disparition, poursuivra ce travail ? »

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