mercredi 5 mai 2010

La féministe et les autres

Il y a des livres qu'on a envie de défendre. Des livres compliqués, ambitieux et parfois difficiles à lire, mais peu importe quand le jeu en vaut la chandelle. C'est le cas du dernier roman de la suédoise Sara Stridsberg, invitée des Assises Internationales du Roman le dimanche 30 mai à 11h aux Subsistances.

La faculté des rêves est une biographie fantasmée de Valérie Solanas, féministe conquérante, auteure du SCUM manifesto, artiste et accessoirement connue pour sa tentative d'assassinat sur la personne d'un certain Andy Warhol. Cette femme est un vrai démon et à chercher des informations sur son sujet, on comprend toute la difficulté de la traque qu'a dû livrer Stridsberg pour recomposer son portrait. Aussi, l'écrivain prend ses précautions et nous prévient que le livre qu'on tient entre les mains n'a rien d'une biographie standard. Tant mieux!

C'est donc l'histoire de Valérie Solanas et de son parcours. Son enfance tumultueuse, auprès de Dorothy, mère à la frontière de la folie mais adorée et déjà la proximité dangereuse et destructrice des hommes; la fuite et l'éveil des sens à l'adolescence; la formation universitaire, l'entrée dans le monde des idées et une personnalité qui s'affirme, celle d'une "haïsseuse de mecs" et enfin l'ascension et la chute dans le monde des arts, repère superficiel d'un patriarcat masqué. Valérie est une rebelle intransigeante et péremptoire. On ne revient pas sur ses affirmations définitives quant à l'infériorité congénitale des hommes, on ne revient pas sur ses jugements expéditifs à propos de l'art "chiatique" d'un Warhol lui aussi fasciné par son énergie, on ne revient pas non plus sur sa condamnation en bloc de la société américaine (mais qui vaut pour toutes les autres) où le viol, même s'il se déguise, est omniprésent et l'oppression insupportable.


Le roman passe par toutes les étapes, mimant à la perfection la trajectoire en dent de scie de Valérie. Il mélange sans s'embarrasser les temps, les genres et les registres de langue dans le but d'approcher au plus près cette femme. Imaginant des dialogues entre elle et son personnage, invitant les deux figures symboliques et universelles de Cosmogirl (l'amante et la féministe exaltée) et Silkyboy (jeune homme "pur" et de fait sacrifié), compagnons de déroute de l'héroïne, l'auteur a écrit un livre protéiforme, poétique, puissant, mêlant avec brio scènes de grande douceur et détails crus et glauques.

On pourra ergoter sur certaines divagations formelles, sur la violence et la noirceur de l'ensemble et sur la question de savoir pourquoi Stridsberg a choisi de s'intéresser au personnage quelquefois méprisable de Solanas. Mais rien qui ne puisse remettre en question la vitalité et la nouveauté de ce roman. Violent et puissant (décidément je ne lis plus que ça!), La faculté des rêves est un voyage entre la clairvoyance et la folie.



Source Liwreo.com

Un livre à ne pas rater!

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