jeudi 29 juillet 2010

Une étape sur le chemin du retour


Bruno Brumhart n'a que 17 ans quand il est séparé de ses parents au moment de la déportation : il parviendra à s'évader du camp où il est interné avec les siens.
Une nouvelle fois, le récit d'Aharon Appelfeld se situe entre fiction et réalité et se nourrit de la vie de son auteur qui a connu le ghetto ; encore enfant , mais devenu orphelin, il s'en échappe et erre dans la forêt ; enfant caché, enfant sauvage, il n'a alors que 10 ans et chemine jusqu'à 13 ans avec des gens de mauvaise vie.

En fuite dans une forêt à la suite de l'incendie du camp, Bruno survit de jus de mûres et de pommes acides, en compagnie d'un sourd-muet et d'un mystique prénommé, Yosseh-Haïm.

A cette étape de l'histoire, on se trouve aux frontières du récit universel tant il est difficile de se situer dans l'espace-temps. Bruno survivra après ce temps d'errance, rempli de force et d'énergie pour envisager l'après ; il parvient à acquérir un château dans les faubourgs de Naples où il accueille les réfugiés. Il propose en ce lieu des écoutes musicales : Schubert, Brahms et Bach... et des lectures bibliques.
"Je les regardais sans en croire mes yeux : leurs visages étaient transfigurés par la musique. Ils revenaient à eux-mêmes."

Aharon Appelfeld dira de son personnage (loin d'être son double) que "la seule envie qui le pousse à agir, c'est de se changer et de changer le monde" ; sa reconstruction sera mêlée d'encouragement et d'insatisfaction.

Morceaux choisis :
Yosseh-Haïm à Bruno : "Moi, dit-il je me lève chaque matin et place mes gestes et mon âme entre les mains de Dieu. Il en fait ce que bon lui semble puisqu'Il sait exactement ce qu'il convient de faire. Nos pensées ne font qu'ajouter à la confusion"

Bruno, suite à un échange avec Paul son fils : " En quelques années, j'avais bâti un empire. S'il avait pu s'étendre encore, j'aurais construit des châteaux en Palestine, j'aurais arraché des réfugiés à leur condition misérable pour leur rendre leur noblesse. (...) Ils avaient besoin d'une vie porteuse de sens, débordante de beauté et de délicatesse, même si le chemin est long pour rappeler à ceux qui l'avaient oublié qu'ils étaient des princes"

Et Paul d'ajouter :
- Papa, de quoi t'occupes-tu en ce moment ? me questionna t-il encore
- Pourquoi me demandes-tu ça ? il eut un petit sourire.
- Cette fois, je ne me retins pas : j'essaie de réparer ce que la vie a gâché, tu comprends ?
- Non, dit-il et son sourire s'élargit.

Et la fureur ne s'est pas encore tue, encore un très beau roman d'Aharon Appelfeld vibrant de force et d'espérance.

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