samedi 18 septembre 2010

L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet

Difficile de vous parler du roman de Reif Larsen après la descente en règle que lui offre l'excellent Fric-frac club, site littéraire vigilant et de haute qualité (quoiqu'un poil chafouin, avouons-le, je les aime bien, je me permets). Pour la chronique assassine, c'est ici. Et pourtant, pourtant, ...

Non, tout n'est pas à jeter dans ce premier roman et si je m'accorde avec eux pour déplorer qu'on ait demandé à l'horripilant Stephen King d'écrire une horripilante publicité qui mélange d'une manière très horripilante les références n'importe comment ("Mark Twain, Little Miss Sunshine et Pynchon", et pourquoi pas Houellebecq et Martine à la plage pour compléter le tableau de famille?!), il n'empêche que le livre en vaut la peine.

L'objet lui-même pour commencer : livre grand et large, la jolie couverture laisse deviner le contenu. Comme dans un cahier d'écolier, le texte occupe la majorité de la page. Dans la marge, des dessins, des cartes, des schémas, des légendes et des textes explicatifs qui viennent illustrer le texte dans une autre police de caractère. L'ensemble s'accorde harmonieusement, la crainte au premier abord de n'y rien comprendre s'efface vite. Tous ces dessins et ces digressions ne sont pas gratuits, ils témoignent de la fantaisie et de la boulimie de savoir du héros.

Le personnage principal, Tecumseh Sansonnet Spivet, est un cartographe de 12 ans, jeune garçon élevé dans une ferme du Montana. Son ambition est de faire entrer le monde qui l'entoure dans ses cartes. Il réalise des cartes sur à peu près tout : Sa sœur qui épluche le maïs, sa chambre à coucher, les oscillations d'un train, l'attrait irrésistible du logo McDonald sur les enfants... Ce garçon extraordinaire se voit décerner un prestigieux prix par un institut à Washington qui n'a pas idée de son jeune âge. T.S. Spivet va décider de partir chercher ce prix par ses propres moyens. Ainsi démarre ce roman d'apprentissage d'un très jeune homme. Le récit, en focalisation interne, exploite à fond la naïveté et la candeur de cette jeunesse. Tant et si bien que le roman peut passer parfois pour de la littérature jeunesse.

Idée à évacuer. Faussement candide, la naïveté du personnage principal sert toujours l'auteur à faire passer un message, une idée, voire faire avancer sa narration. On a bien là affaire à un roman pour les adultes ou, à la rigueur, pour une poignée d'ados en avance.

Le livre s'ouvre longuement sur la présentation de la famille farfelue du héros. Une mère savante et lunaire, un père cow-boy et taiseux et une sœur adolescente et hystérique. Cette famille, on l'apprend très vite, est blessée et bancale, la faute à la mort du frère de Tecumseh, Layton, dont le souvenir hante le roman, avec bienveillance. T.S. n'est pas étranger à la mort de son frère, la pudeur et l'insouciance de sa culpabilité sont rendu avec beaucoup de grâce par l'auteur. C'est la méthode Larsen de traiter son sujet avec une apparente nonchalance candide qui laisse toute sa place à la réflexion du lecteur. L'écrivain s'amuse aussi à imbriquer l'histoire des ancêtres de son héros en milieu de roman. Trois grands mouvements se dégagent de l'ensemble : le cocon familial dans le Montana, le voyage clandestin dans un train de marchandises et le passage dans le monde parfois sombre des adultes. Sans m'attarder, je retiendrai ce très beau passage où le jeune garçon découvre la ville : Chicago. Il est émerveillé, étourdi et aussi inquiet, comment faire entrer tous ces gens, toutes ces couleurs, tous ces chiffres dans ses carnets.

La fin colle bien au début, fantaisiste et pleine de rebondissements (et c'est dans la dernière partie que l'ami Stephen King trouve sans aucun doute la comparaison avec Pynchon, à vous de juger). Alors ne boudons pas notre plaisir, ce roman est frais et agréable, plein de bons sentiments et d'imagination. Larsen réveille notre âme d'enfant sans nous donner la leçon si ce n'est celle qui prescrit d'être exigeant et de rêver fort, même au-dessus de ses moyens. C'est déjà pas si mal non?

Pour vous faire une idée de l'esthétique de ce livre un peu à part, visiter le joli site web dédié, ici.

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